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L’intelligence artificielle va profondément transformer les services professionnels, des cabinets de conseil aux experts-comptables. Mais selon Navin Chaddha, investisseur et directeur général de Mayfield, cette révolution s’annonce plus progressive qu’on ne le pense. Pour les entreprises traditionnelles comme McKinsey, les jours sont comptés, mais pas tout de suite.
L’IA peut bousculer les géants du conseil
Lors d’un événement TechCrunch StrictlyVC à Menlo Park, Navin Chaddha a partagé sa conviction : les entreprises « AI-first » vont remettre à plat les fondations du monde du conseil, du droit ou encore de la comptabilité. Selon lui, le marché des services professionnels, évalué à 5 000 milliards de dollars, est à l’aube d’un bouleversement.
L’idée est simple : automatiser les tâches les plus répétitives pour libérer du temps humain et proposer un modèle plus rentable. Prenez, par exemple, un projet typique comme la mise en œuvre de Salesforce.
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De nombreuses étapes sont standardisées et pourraient être confiées à une IA, pendant que les humains se concentrent sur les besoins complexes ou personnalisés. Résultat : des coûts plus faibles, un service fluide et des marges similaires à celles du logiciel. C’est une vraie rupture.
Vendre le résultat, pas les heures
Chaddha insiste sur une nouvelle approche tarifaire : sortir de la facturation à l’heure pour facturer un résultat. Cette logique « orientée impact » permet à l’IA de jouer un rôle central dans des missions parfaitement adaptées à ses capacités.
Ce modèle séduit en particulier les millions de petites entreprises qui n’ont pas les moyens de faire appel à McKinsey ou à une équipe de développeurs. Chaddha imagine des “coéquipiers IA” capables de gérer :
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- des tâches simples comme la création de site web
- la gestion administrative
- ou encore la planification, à coût réduit
Pour les clients, c’est hyper pratique. Plus besoin d’embaucher un spécialiste ou de multiplier les prestataires, une IA peut faire le job avec fiabilité sur une grande partie du processus.
L’exemple qui fait mouche : Gruve
Pour illustrer cette vision, Chaddha cite l’exemple de Gruve, une startup de cybersécurité dans laquelle Mayfield a investi. Fondée par de véritables connaisseurs du secteur, Gruve a commencé par racheter une petite société réalisant 5 millions de dollars de chiffre d’affaires.
En quelques mois, l’intégration de l’IA a permis de tripler les revenus à 15 millions, avec une marge brute de 80 %. Comment ? En automatisant les missions classiques de conseil en cybersécurité tout en maintenant un accompagnement humain de qualité.
C’est ce genre de modèle hybride que Mayfield veut faire émerger à travers son fonds spécialisé de 100 millions de dollars : créer des « teammates IA« , des outils intelligents qui accompagnent les humains au lieu de les remplacer.
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Pourquoi McKinsey ne réagit pas (encore)
Ces transformations pourraient logiquement inquiéter les géants du secteur comme McKinsey ou Accenture. Pourtant, selon Chaddha, ces entreprises sont freinées par un obstacle connu : le dilemme de l’innovateur. Passer à un modèle orienté résultats signifie renoncer à des revenus stables, basés sur la facturation au temps passé, ce qui n’est pas évident quand on est solidement installé.
Il est donc probable que les changements les plus radicaux naîtront en dehors des grandes structures. Et les géants, eux, viendront bien plus tard, une fois que la nouvelle manière de faire aura fait ses preuves.
Une aubaine pour les marchés oubliés
L’IA pourrait aussi permettre à des régions du monde sous-équipées d’accélérer leur développement. Dans les marchés émergents, où les professionnels qualifiés manquent souvent à l’appel, ces coéquipiers IA seront d’autant plus utiles.
Bien sûr, cela ne se fera pas sans heurts. Comme Word, Excel ou Uber en leur temps, une telle révolution technologique va causer de la casse sur le marché du travail. Mais Chaddha y voit plutôt une phase de transition nécessaire avant une réinvention plus juste et plus large du travail humain.
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Enfin, interrogé sur la frénésie autour de certaines startups IA, comme le rachat par Wix d’une jeune pousse israélienne de codage pour 80 millions de dollars après seulement six mois d’existence, Chaddha reconnaît que l’économie de l’IA casse les repères classiques.
Pour lui, il ne s’agit pas de suivre aveuglément les tendances. Les meilleures décisions d’investissement se prennent avec rigueur, expérience et une vision claire. Car dans ce nouveau monde de l’intelligence artificielle, ceux qui suivent le troupeau risquent bien de prendre la mauvaise route.