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À travers certains jeux vidéo, des joueurs et joueuses trans trouvent bien plus qu’un simple divertissement : ils découvrent des mondes où leur identité est valorisée, reconnue et célébrée. Une étude récente s’est penchée sur ce phénomène encore peu exploré : la manière dont les jeux peuvent provoquer ce qu’on appelle la « euphorie de genre ».
Quand les jeux offrent l’opportunité d’être pleinement soi-même
Contrairement aux discours souvent centrés sur la dysphorie de genre, c’est-à-dire la détresse ressentie face à une identité imposée dès la naissance, l’étude met en lumière un autre aspect fondamental de l’expérience trans : l’euphorie de genre. Ce sentiment de joie intense et d’alignement avec son identité vécue reste encore trop peu reconnu, alors qu’il joue un rôle essentiel dans le bien-être des personnes transgenres.
Les chercheurs qui ont mené cette étude sont eux-mêmes trans et passionnés de jeux vidéo. Ce double regard leur a permis de combiner analyse académique et vécu personnel. Leur objectif : comprendre comment certains jeux, par leur univers et leur mécanique, peuvent faire naître chez les joueurs trans un sentiment de sécurité, d’affirmation et de joie.
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Pour illustrer leurs observations, ils ont passé en revue plusieurs jeux, populaires et indépendants, comme Cyberpunk 2077, dys4ia, Animal Crossing: New Horizons ou encore Celeste. Tous ont en commun de permettre des expériences porteuses d’euphorie, à travers des personnages, récits ou choix de gameplay pensés avec soin.
Un modèle en trois dimensions : design, dynamique et expérience
L’équipe propose un cadre d’analyse en trois volets pour expliquer comment les jeux peuvent encourager l’euphorie de genre : design, dynamique et expérience.
Le design, c’est tout ce que les développeurs intègrent au jeu. Cela inclut l’écriture des personnages, le style visuel, les options de personnalisation. Plus ces éléments sont inclusifs, plus les identités trans peuvent y trouver une place légitime. Par exemple, offrir plusieurs modes d’expression de genre, ou permettre aux joueurs d’évoquer directement leur identité trans dans l’histoire, rend l’univers du jeu plus accueillant.
La dynamique, ensuite, correspond à la manière dont le joueur interagit avec le jeu. Quelles sont ses décisions ? Comment sont révélés les éléments narratifs ? C’est là que se joue l’impact émotionnel. Dans un jeu comme Cyberpunk 2077, la découverte du personnage de Claire, une femme trans introduite sans insistance sur son genre, se fait au fil de conversations riches et humaines. Cette approche attire par sa simplicité et sa dignité, sans stigmatisation.
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Enfin, l’expérience regroupe les émotions vécues pendant le jeu. Pour une personne trans, cela peut être la première fois qu’elle se sent réellement représentée, respectée et valorisée dans un univers numérique. Cela va bien au-delà du plaisir habituel du jeu : c’est la sensation libératrice d’avoir enfin un rôle qui lui ressemble.
Quand la narration trans transforme le gameplay
L’étude insiste sur un point fort : aborder les moments douloureux, comme la dysphorie ou les luttes identitaires, peut rendre les instants d’euphorie encore plus puissants. Le contraste enrichit l’émotion. On ne gomme pas les difficultés, mais on leur donne une nouvelle forme, à travers le récit interactif. Cela permet aux joueurs trans de se reconnaître tout en se projetant vers une forme de guérison ou de transformation.
Dans Celeste, par exemple, le récit tourne autour de l’acceptation de soi à travers une ascension métaphorique d’une montagne. Bien que ce jeu ne parle pas explicitement d’identité trans pour son personnage principal (même s’il est souvent lu ainsi), de nombreux joueurs trans s’y sont retrouvés profondément, à travers le combat intérieur et l’émotion du dépassement de soi.
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Des pistes pour un futur plus inclusif
Les chercheurs reconnaissent que leur étude se concentre surtout sur des vécus de femmes trans. Ils appellent donc à étendre les recherches à toutes les identités de genre, pour une meilleure compréhension et une plus grande richesse des récits.
Ils rappellent aussi que penser le design avec cette dimension d’euphorie de genre ne devrait pas se limiter aux jeux vidéo. L’idée peut s’appliquer à beaucoup d’environnements interactifs :
- applications,
- réseaux sociaux,
- expériences immersives…
Toute plateforme qui vise à inclure et à célébrer les identités trans peut tirer des leçons de ce modèle.
Finalement, si on cherche à encourager le bonheur des personnes trans, il faut concevoir des expériences sur mesure, capables de faire émerger cette joie précieuse. Le jeu vidéo, par sa nature interactive et sensible, a clairement un rôle à jouer là-dedans, et c’est plutôt une bonne nouvelle.