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L’Antarctique n’a jamais été aussi proche. En quelques années, la ville d’Ushuaia, perchée tout au sud de l’Argentine, est devenue la porte d’entrée incontournable vers le continent blanc. Si cette popularité fulgurante booste l’économie locale, elle provoque aussi des tensions bien réelles sur les habitants et leur environnement.
Ushuaia, point de départ presque obligé vers l’Antarctique
Ushuaia attire de plus en plus de monde. C’est simple, environ 90 % des croisières à destination de l’Antarctique y font escale. De janvier à mars, les quais de l’ancien village de pêcheurs sont pris d’assaut. Jusqu’à cinq énormes navires peuvent s’y aligner en même temps, embarquant des voyageurs souvent très fortunés. Certains déboursent jusqu’à 18 000 dollars pour une expédition de dix jours vers les terres glacées.
En une décennie, le nombre de touristes en croisière a explosé dans la région. On est passé de 35 500 passagers par an à plus de 111 000. Et encore, ce ne sont que ceux qui partent vers les glaces. En été, la région de Terre de Feu accueille en tout plus de 640 000 voyageurs, contre une population locale estimée à 190 000 personnes. Autant dire que la ville d’Ushuaia, avec ses 83 000 habitants, ressent bien cette pression touristique permanente.
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Un ballon d’oxygène économique, à un prix élevé pour les habitants
Ce boom touristique a de quoi réjouir certains commerces : hôtels, restaurants, compagnies maritimes et guides locaux tournent à plein régime. L’économie de la ville profite à fond de cette saison incontournable.
Mais cette bouffée d’air économique ne va pas sans certaines conséquences. Les prix s’envolent, la crise du logement s’aggrave nettement et les ressources locales s’amenuisent. Pour les habitants, le quotidien devient de plus en plus compliqué. Trouver un logement devient une vraie galère, surtout avec la multiplication des hébergements réservés aux visiteurs.
Certains habitants, comme María Elena Caire, militante engagée pour le droit au logement, tirent la sonnette d’alarme. D’après elle, « un jour, il n’y aura plus que des touristes à Ushuaia ». Une question se pose alors : si les locaux ne peuvent plus vivre dans leur propre ville, qui s’occupera des voyageurs ?
Vers une régulation du tourisme de l’extrême ?
Face à cette situation tendue, des voix s’élèvent pour encadrer plus fermement le tourisme dans cette région unique au monde. L’idée serait de trouver un équilibre entre l’envie d’explorer le bout du monde et la nécessité de préserver le mode de vie des habitants comme l’environnement.
Quelques pistes évoquées localement :
- Un nombre maximum de croisières autorisées chaque saison
- Des quotas pour préserver les logements à destination des résidents
- Une taxe écologique pour réinvestir dans les infrastructures locales
- Des campagnes de sensibilisation pour un tourisme plus responsable
La situation d’Ushuaia symbolise un phénomène bien plus large : à mesure que les destinations les plus reculées deviennent accessibles, se pose la question de leur durabilité. Le bout du monde ne l’est plus vraiment, mais cela vaut-il toujours le détour s’il perd son âme au passage ?